WEEKEND CULTUREL à TAVERNY

Weekend culturel à Taverny

Samedi 16 et dimanche 17 septembre, weekend culturellement bien chargé à Taverny : journées du patrimoine, réception de 40 Tchèques de Sedlčany, vernissage et ouverture du Salon des Arts, fête des vendanges en Centre-Ville. Une belle occasion d’analyser, comparer et interroger nos pratiques.

Vendredi soir la délégation tchèque conduite par M. Jiří Burian, sénateur-maire de Sedlčany, est accueillie dans une salle du théâtre M. Renaud. La plupart a fait le voyage –environ 1100 kilomètres – en autocar. Ambiance sympa. M le Sénateur-Maire n’hésite pas à payer de sa personne avec beaucoup de simplicité et d’humour lorsqu’il faut nettoyer, plier et ranger chaises et tables.

Samedi matin les tchèques partent visiter Paris.

Ils doivent d’abord se rendre à la gare de Beauchamp car ce weekend il n’y a pas de train sur « notre » tronçon de la ligne H. Heureusement qu’ils n’ont pas attendu le car de remplacement : une voisine m’expliquera qu’elle a mis près de deux heures pour faire le trajet Vaucelles – Ermont, le chauffeur ne connaissait pas la route.

Une bonne partie des tchèques avouera ne pas avoir apprécié la visite de Paris : conditions de transports, difficultés pour approcher des monuments …

La délégation tchèque est pour moitié composée des musiciens du « Blue Orchestra », qui se produit en fin d’après-midi à la Médiathèque.

Mais ce samedi soir c’est aussi le vernissage du Salon des Arts de Taverny. J’y file, car c’est une occasion de rencontrer beaucoup d’artistes peintres et sculpteurs de la région et d’ailleurs.

J’assiste aux discours officiels. La Présidente de l’Union des Artistes de Taverny remercie l’ensemble des acteurs qui permettent au Salon d’exister, même si cette année il a failli disparaître. Elle décrit des difficultés grandissantes pour tenir encore cette année : durée écourtée, décalage de la date dont la précocité empêche certains artistes de participer. Elle explique que toutes les collectivités publiques connaissent des restrictions budgétaires et que dans ce contexte la part réservée aux manifestations artistiques est rognée. Monsieur l’adjoint au Maire contredit : à Taverny un effort significatif est accordé à la Culture dont le budget ne faiblit pas. Il cite des projets en cours de réalisation ou de réflexion. Mais si je comprends bien, tous ces projets concernent la musique. Les artistes que je rencontre ne semblent pas convaincus et certains s’inquiètent d’une éventuelle disparition du Salon.

Je n’ai pas le temps d’en faire le tour, je plante là amis et connaissances pour me précipiter à la médiathèque. Là se produit le « Blue Orchestra », formidable formation tchèque de Sedlcany, qui reçoit une « standing ovation » bien méritée. La salle est enthousiaste. J’ai raté une bonne partie du concert, mais ils rejoueront demain à la fête des vendanges, en centre-ville.

Dimanche matin je retourne au Salon des Arts, qui ouvre exceptionnellement pour pouvoir y accueillir des tchèques amateurs d’art auxquels je commente la visite. Puis je cours à l’inauguration du kiosque à musique, dans le Parc Pierre Salvi.

Surprise. Choc des cultures. Nos amis tchèques sont étonnés, un brin moqueurs en découvrant les forces de police super armées puis l’état de chantier où ils sont reçus. Pourquoi inaugurer une installation non opérationnelle, un édifice neuf, certes, mais planté au centre d’un champ terreux palissadé, inaccessible ?

Très grand étonnement aussi, et choc, pour ceux de nos amis qui s’informent du coût des travaux. Pensez : chez eux le SMIC est à 423 €, le budget culturel national est de 36 €/habitant, contre 165 €/habitant en France.

A peine le temps d’assister à la réception à la Mairie, à l’échange de cadeaux entre les Maires de Taverny et de Sedlčany, de prendre un tout petit temps de repos, et je cavale pour rattraper la visite commentée de l’Eglise, de la petite chapelle qui est hélas habituellement fermée au public, la Chapelle de l’Ecce Homo, les sentes qui conduisent au vignoble. Peu de participants et difficultés de traduction pour nos amis tchèques. Quelques-uns se retrouvent au Salon des Arts, puis à la Fête des Vendanges organisée par les « Conseils de Quartier » dans le Parc Pierre Salvi en centre-ville.

Je suis un peu étonné : j’avais fréquenté la fête des vendanges avant 2015, lorsqu’elle se déroulait dans le quartier des Sarments. Il y avait alors une ribambelle d’enfants, c’était une vraie fête pour eux, beaucoup d’activités leurs étaient clairement destinées. Je ne retrouve pas aujourd’hui la même population. Une habitante des Sarments : « la fête des vendanges, c’était notre fête de quartier. On nous l’a confisquée ».

Pourquoi concentrer au centre-ville cette fête, et la brocante, et aussi une partie du conservatoire ? Pourquoi déposséder culturellement les quartiers dits périphériques, alors que le Centre-ville est bien plus malcommode d’accès et de Parking ? Les habitants du sud de la ville seraient-ils de seconde zone ?

Le cortège arrivant des vignes communales débarque enfin, quelques élus ont le privilège d’actionner le pressoir, on distribue du jus de raisin.

Du côté tchèque on attendait avec impatience que l’orchestre, le Blue Orchestra, joue. C’est une folle ambiance pendant plus d’une heure, on se trémousse dans l’assistance. Le sénateur-maire de Sedlčany lui-même embouche sa trompette pour deux morceaux exécutés avec brio. Le responsable des « amis de Taverny » à Sedlčany est aussi de la partie, il a été professeur de musique à l’école des Arts de Sedlčany. Mais là pour l’occasion il chante en tchèque et en français, accompagné de tout l’orchestre.

Petite précision : les deux concerts donnés par le « Blue Orchestra » ne coûtent rien aux tabernaciens ! Les échanges franco-tchèques sont organisés par l’association tabernacienne « les Amis de Sedlčany », comité de jumelage, et son homologue tchèque « les amis de Taverny ». La commune de Taverny subventionne en partie « les Amis de Sedlčany ». Lors de leur venue les membres de l’orchestre étaient logés à l’hôtel à leurs frais, les autres membres de la délégation étant logés chez les familles françaises.

La journée se termine autour du « buffet partagé » organisé par les Conseils de Quartier, conformément à la culture gauloise d’Astérix.

Journée du Patrimoine, échange franco-tchèque, Salon des Arts, inauguration du kiosque à musique, fête des vendanges, buffet partagé : une diversité de manifestations culturelles concentrées dans le temps d’un weekend et l’espace d’un quartier. Un kiosque à musique onéreux dont je doute qu’il puisse servir au plus grand nombre. Deux élus dont un sénateur-maire qui donnent de leurs personnes au sein d’un orchestre populaire. Une présentation méritante du patrimoine architectural ancien, mais qui n’attire guère. Un salon des arts traditionnel dédié à la peinture et à la sculpture, de haute qualité, limité dans l’espace et le temps. Des vendanges non moins traditionnelles, joyeuses et festives, malheureusement reconcentrées en un seul quartier de la ville. Un partage très amical entre français et tchèques.

Ces événements qui font la culture ont en commun de lier des personnes à leur histoire, leurs valeurs, leurs connaissances et croyances, leur entourage. On prétend que « La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié » (citation attribuée parfois à Emile Henriot, parfois à Edouard Herriot, parfois même à Einstein …). La culture ouvre l’esprit. On découvre le monde à travers le regard des autres, à travers ce qu’ils en ont eux-mêmes compris. Découvrir une autre culture c’est accepter qu’il y ait une multitude de manières de voir le monde, accepter que la nôtre ne soit pas nécessairement ni meilleure ni moins bonne, accepter de s’interroger sur la vérité de nos certitudes, sur la nécessité de nos habitudes, envisager des projets communs et les mener avec ceux dont nous ne partageons pas la même langue, pas les mêmes coutumes, pas les mêmes croyances ou opinions. C’est dépasser nos craintes. C’est aussi découvrir dans le regard des autres nos propres richesses que nous négligeons par habitude, inconscience, fainéantise ou manque de confiance en nous. Le patrimoine que nous abandonnons n’est pas constitué que de vieilles pierres.

Comme toute construction sociale, la culture résulte schématiquement de deux mouvements. L’un est constitué des projets décidés par des autorités et institutions plutôt centralisées. L’autre est formé d’initiatives individuelles ou collectives plus ou moins formelles. Force est de constater que le budget culturel municipal de Taverny (assez important au demeurant : 3.3 M€, c’est-à-dire 125 € / habitant, la musique  coûtant environ 47 € par habitant, les arts plastiques 4,60 €) favorise largement le premier mouvement, fortement centralisé, au risque de mener à une culture élitiste où le plus grand nombre serait réduit au mieux au rôle de consommateur-spectateur, au pire au simple rôle de pourvoyeur de fonds par le moyen des impôts.

J’aspire à une action culturelle bien plus équilibrée, s’appuyant davantage sur les initiatives citoyennes et associatives, favorisant une culture créatrice et partagée par le plus grand nombre. Et même s’il peut paraître hasardeux de comparer nos situations, l’examen de la richesse et de la vivacité des institutions culturelles de la ville amie de Sedlčany, où l’on trouve musée, école des Arts, centre culturel, bibliothèque… peut suggérer que les moyens importants consacrés chez nous à la culture pourraient peut-être être plus équitablement utilisés.

  • Marc     

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